Publié le : 21-02-2023
La Culture Fritkot a perdu son peintre. Le 21 février 2018, Gilles Houben a tiré sa révérence. Depuis la fin des années 80, l’artiste n’avait eu de cesse d’immortaliser en huile sur toile les témoins d’un patrimoine de chez nous reconnu depuis 2017: celui des baraques à frites et de leur culture. Gilles Houben était Chevalier de l’Ordre National du Cornet d’Or depuis 2009.
Gilles «Gillis» Houben était devenu incontournable. À chaque évocation de l’univers des baraques à frites, il était fréquent que son nom soit cité, qu’il s’agisse de reportages dans la presse belge ou internationale. Et cependant... Il n’aura hélas jamais connu le confort d’une juste reconnaissance de son travail. L’artiste nous laisse avec une production patrimoniale frituresque sans nulle autre pareille, riche de plus d’une centaine d’huiles sur toile déclinant les baraques à frites dignes de ce nom. Cette œuvre ne doit cependant pas occulter ses autres thèmes de prédilection, de la « magrittude » à la zénitude, en passant par les terrains de golf... Ni ses autres passions artistiques, telle celle du théâtre, pour laquelle il laisse une pièce qui demeurera inédite, mettant en scène un fritkot opposé à un restaurant.
Né le 16 juin 1933 à Oudenaken (Leeuw-Saint-Pierre), Gilles Houben conservait un souvenir amer de son enfance et d’un père qu’il a redouté pendant ses jeunes années, au point d’être poussé à quitter l’école dès l’âge de 13 ans pour rejoindre aussitôt l’usine et le travail à la chaîne. Ce dernier n’était certainement pas le régime idéal pour cet esprit curieux, vif et créatif, avide de ces connaissances qu’il n’avait pas eu l’occasion d’acquérir, sa langue maternelle en tête... Mais Gilles Houben avait la tête dure! Tous ceux qui l’ont croisé savent qu’il avait «son caractère»... Celui-là même qui lui aura permis de mener une existence telle qu’il l’a désirée, avec beaucoup de liberté, quitte à laisser le confort de côté. Sa détermination lui aura en effet permis, petit à petit, de travailler comme peintre et décorateur, notamment pour le théâtre de la Monnaie ou le KVS. Jusqu’au jour où...
De 1979 à 1982, Gilles Houben s’embarque avec Yves Warson dans une aventure au long cours qui, à l’arrivée, nous vaudra «Fritland», un court-métrage, façon roadmovie belge, filmé en Super 8, qui dévoile l’envers du décors de près de 150 fritures de l’époque. Après cette expérience, l’homme se transforme en peintre, formé à l’Académie des Beaux-Arts à Bruxelles, bien décidé à rendre hommage à un patrimoine par nul autre artiste jusqu’alors honoré: celui de la baraque à frites. De façon passionnée, pendant plus de 20 ans, il immortalise en huiles sur toile tous ces «assemblages» dédiés à la vente de frites, tels que peu subsistent en 2018... Il crée de véritables «portraits» de baraques emblématiques de l’époque, dans un style que beaucoup rapprochent de l’univers du peintre américain Hopper, tout en distillant en parallèle des productions plus fantasques, comme ce tableau représentant le wagon friture de Bastogne planté dans les jardins du Palais Royal à Bruxelles...
Gilles Houben a peint plus de 100 représentations de fritkots! Dont une partie a rejoint des collections privées, tant en Belgique qu’à l’étranger. Plusieurs de ses toiles, tantôt fidèles à la réalité, tantôt fantaisistes, mais également d’autres de ses créations, demeureront visibles gratuitement chaque premier week-end du mois au Micro Musée de la Frite de Home Frit’ Home (rue des Alliés 242, 1190 Bruxelles; www.homefrithome.be), où l’artiste avait proposé deux expositions, en 2012 et en 2016. Le 21 février 2018 à De Pinte, Gilles Houben nous a quittés, pressé de trouver le repos après une longue et pénible maladie. Ainsi qu’il aimait le rappeler, avec humour, il aura prouvé ses talents d’artiste: «À l’occasion d’une exposition à Anvers, une personne m’a dit qu’elle trouvait mes peintures très belles, mais qu’il était dommage qu’il y ait des fritkots dessus...»
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